Extrait de l’article « Quel est le rôle de la mosquée dans l’accueil de ces nouveaux musulmans ? » écrit par François Clarinval.
L’Islam est une religion du groupe, de communauté. La mosquée est le cœur spatial de la communauté. C’est la raison pour laquelle le Prophète, paix et salut sur lui, a à ce point insisté sur l’importance de la prière, en congrégation, à la mosquée.
Les fonctions de la mosquée
On sait que la mosquée est avant tout le lieu du rappel de Dieu, le lieu de la prière. Mais la mosquée est aussi un lieu privilégié pour l’acquisition de la connaissance.Les mosquées constituent, en effet, le premier lieu d’enseignement depuis le début de l’Islam jusqu’à nos jours. Les musulmans avaient fait de leurs mosquées des institutions publiques dans l’enceinte desquelles la gestion de la vie quotidienne était discutée ainsi que l’organisation de leur société, le développement de son niveau de vie et la sauvegarde de son entité.
A travers l’histoire, les mosquées ont servi :
– de fort et de citadelle où l’on pouvait se réfugier en cas de besoin.
– de pharmacie et de dispensaire.
– des organes d’information. Les décrets, les communiqués et les décisions du gouvernement étaient lus publiquement dans les grandes mosquées du pays.
– des centres d’étude. Dans certains pays musulmans, les grandes mosquées ont joué un rôle important dans le développement des sciences et la modernisation des sociétés.
La mosquée n’était donc pas uniquement un lieu destiné à la prière ; elle remplissait de nombreuses autres fonctions : université, hôpital, espace de débat…. C’était également un lieu où l’on accueillait les voyageurs et les nécessiteux qui trouvaient la nourriture et l’hébergement dans un climat de parfaite fraternité
Abdullah ibn Amr ibn al-Âs, un jeune compagnon du Prophète, nous rapporte qu’un jour le Prophète, paix et salut sur lui, entra dans la mosquée et s’aperçut qu’il y avait deux catégories de personnes présentes : ceux qui priaient et ceux qui s’occupaient des études. Il remarqua : « Les deux font le bien ; seulement il y en a qui demandent quelque chose à Dieu, et il dépend entièrement de Lui de leur accorder leurs désirs ; tandis que les autres apprennent et chassent l’ignorance ; moi-même, j’ai été envoyé par Dieu comme un instituteur ». Disant cela, il prit une place dans le groupe qui s’occupait de l’enseignement. Par-là, le Prophète, paix et salut sur lui, voulait montrer qu’il fallait encourager la science, propager l’instruction, exalter le mérite des éducateur ou des éducatrices.
A Médine, le Prophète, paix et salut sur lui, aménagea une mosquée contiguë à sa maison pour y diriger les affaires de la communauté, et y prodiguer l’enseignement. Dans cette mosquée, il y avait trois parties distinctes : une grande salle pour les prières, une partie appelée (suffah) pour l’école, et quelques petites chambres pour la famille du Prophète. La (suffah) a été la première institution islamique. Elle occupait une place importante dans l’organisation et la diffusion de l’éducation musulmane. Le Prophète, paix et salut sur lui, s’adjoignait d’autres instituteurs pour enseigner aux débutants l’art de l’écriture, pour leur apprendre le Coran. C’est dans cette institution que s’est déroulée la première expérience fondatrice de l’éducation musulmane.
On voit donc, par ce retour dans l’histoire, que le rôle de la mosquée est beaucoup plus vaste que celui qu’on lui attribue généralement. En réalité, la mosquée est un lieu de rayonnement, le point central de la communauté. Nous sommes loin aujourd’hui de cette réalité, mais nous devons avoir à l’esprit que c’est cela le rôle complet de la mosquée, sans cela, nous ne pouvons comprendre le grand rôle qu’elle a à jouer dans l’accueil des nouveaux musulmans.
Rendre la mosquée attractive…
Le contexte actuel est caractérisé par une hypertrophie des apparences, fondée sur la séduction. L’Islam affirme d’autres valeurs mais il est difficile aujourd’hui de rentrer en concurrence avec les médias, la mode, le culte des apparences, mais aussi la professionnalisation des services offerts à la collectivité par l’Etat… La mosquée, aujourd’hui, en Europe, doit repenser sa manière de communiquer ainsi que le contenu de ses activités. Ceci est vrai pour tous les fidèles d’une communauté locale, et cela l’est encore plus pour les convertis. De nombreux projets peuvent être initiés au sein des mosquées pour répondre aux défis de la modernité et devenir à la fois un point de convergence ouvert à l’autre et un foyer de rayonnement : espace internet, salle de fitness, espace d’entraide sociale, bonnes pratiques en termes de développement durable, encadrement des demandeurs d’emploi précarisés par le problème de la langue ou de la méconnaissance des rouages administratif, etc.
L’accueil du nouveau musulman
Aujourd’hui le nouveau musulman, la nouvelle musulmane, lorsqu’il (ou elle) pousse la porte pour la première fois d’une mosquée découvre quoi ? Tout pour lui (ou elle) y est étrange, intimidant : enlever ses chaussures, s’asseoir par terre, regarder dans une direction commune, l’arabe qu’il (ou elle) ne connait pas, les regards de certains fidèles à la mine sévère, le fait de devoir répondre à des salutations sans connaître les usages, l’empressement bien-intentionné du fidèle trop zélé qui veut tout changer dans la vie du nouveau musulman (de la nouvelle musulmane) : le prénom, l’habillement, le voile, la barbe, les fréquentations… Le nouveau musulman, la nouvelle musulmane, va être confronté à différents profils de musulman : l’indifférent, le zélé prohibitionniste, l’ancien dubitatif, le super compatissant, le responsable surchargé… Impressionné par ce nouveau monde dans lequel il (elle) rentre, il (elle) ne va repousser personne, essayer d’écouter tout le monde, craignant de blesser quelqu’un, de commettre une faute (qui pourrait être un pêché…), ânonner des invocations dont il (elle) ne comprend ni le sens, ni les mots ; il (elle) va accueillir maladroitement toutes ces sollicitations, réprimer (pas toujours très longtemps) les mauvaises impressions, les incompréhensions, faire bonne figure… Comme un enfant qui rentre dans une nouvelle école, une nouvelle classe… On ne dira jamais assez combien le premier contact est absolument déterminant. Quelque soit les causes par lesquelles, un homme ou une femme non-musulmans pousse la porte d’une mosquée, il est capital de mettre sur pied un cadre organisé où l’accueillir ; un cours d’initiation à l’islam, par exemple.
En effet, mieux vaut faire attendre un peu la personne en lui proposant de venir au cours d’initiation plutôt que de vouloir répondre directement à ces questions. Ce cours, donné par différents professeurs, construit, de préférence, à partir des trois niveaux de l’Islam : islam, imân et ihssane, doit, idéalement, mettre l’accent sur la dimension fraternelle de l’islam. Et c’est là une dimension qui doit être saisie pleinement. Il ne faut pas perdre de vue, en effet, que le nouveau musulman, ou la nouvelle musulmane, en faisant ce choix de l’Islam, s’est, qu’il le veuille ou non, coupé symboliquement de son milieu d’origine. Certes, cette coupure doit être relativisée. Il est ici extrêmement important d’insister, auprès du nouveau musulman, ou de la nouvelle musulmane, sur l’obligation du maintient des liens de parenté, du respect envers les parents ; il (elle) doit comprendre que l’islam n’est pas une rupture. Néanmoins, ce dernier, cette dernière, va se retrouver soudainement très seul(e) dans son milieu d’origine et, paradoxalement, dans son nouveau milieu aussi (cela est manifeste, notamment, lors des fêtes religieuses). Afin de réduire l’écart éventuel entre le nouveau musulman, la nouvelle musulmane, et sa famille, il est possible d’organiser un repas pour les parents de ces derniers. Cette rencontre peut se faire dans une maison, ou à la mosquée. Des expériences concluantes de ce type ont déjà été menées. Il suffit que quelques convertis se connaissant mutuellement invitent leurs parents à un repas avec la seule intention du rapprochement. Il faut bien sûr éviter tout prosélytisme. Les parents de convertis ont surtout besoin d’être rassurés, de connaître les nouveaux amis de leurs enfants, de ne pas se sentir, eux-mêmes, seuls dans cette expérience (puisqu’ils vont rencontrer d’autres parents qui vivent la même chose). Un repas est l’occasion idéale ; nul besoin de grand discours…
Il est donc important pour tous ceux et toutes celles qui accompagnent de nouveaux musulmans, ou de nouvelles musulmanes, de ne pas se contenter de l’accueil à la mosquée : inviter la personne à la maison (lors des fêtes religieuses), aller manger dans un snack, l’inviter à une activité de loisir… Toutes ces actions prouvent que la fraternité n’est pas un vain mot et permet de mettre la personne en lien avec sa communauté (plutôt qu’en lien avec internet…). C’est toute la question du suivi, de l’accompagnement qui se pose ici. Il est important d’intégrer au plus vite, une fois les fondements connus, le nouveau musulman, ou la nouvelle musulmane, dans des activités à caractère spirituel (des assises, des veillées, des ruptures de jeunes, la prière du vendredi…). Là, il rencontrera ses frères, ses sœurs. C’est dans le cadre de ces rencontres qu’un accompagnement plus personnalisé peut s’effectuer. C’est, en effet, dans ces moments bénis que la fraternité se renforce et se déploie, garantie de base d’un commencement en Islam serein et stable.
Quant à l’accompagnement, une autre donnée d’importance doit, enfin, être prise en compte : il s’agit de l’environnement du nouveau musulman, ou de la nouvelle musulmane. Nous entendons par environnement : son histoire personnelle, sa culture d’origine, son niveau d’éducation, sa classe sociale. Le Prophète, paix et salut sur lui, avait coutume de s’adapter à son interlocuteur. Cette tradition prophétique, qui est une clef pour l’ouverture à l’autre, est ici essentielle. Combien de malentendus, d’incompréhensions mutuelles ne trouvent pas leur source dans une perception inadéquate de l’autre… ?